L’Insolithe paraît quatre fois par mois, à chaque nouvelle phase de la lune. Abonnez-vous gratuitement pour n’en manquer aucun, ou souscrivez à un abonnement payant pour me soutenir. Oh, et je lis aussi des livres nuls ou curieux sur Twitch tous les quinze jours.
Condamnation générale
Ce soir, peu après dix-huit heures, a été rendu le jugement du procès Mebrecci. Si les jurés, comme on s’y attendait, ont reconnu Antoine Mebrecci coupable de tous les chefs d’accusation, ils sont allés au-delà des réquisitions du ministère public, puisqu’ils ont également reconnu coupable l’intégralité de l’humanité.
C’est avec stupéfaction que le public a assisté à la lecture du jugement de l’affaire Mebrecci en cette fin d’après-midi. Au terme d’une délibération étonnamment courte, les jurés ont déclaré coupable l’intégralité de l’humanité. Sitôt le verdict tombé, les policiers chargés de la sécurité du tribunal ont bloqué les issues afin d’empêcher quiconque de quitter les lieux avant le transfert au dépôt de toute la salle d'audience. D’après Thierry Gaufrier, qui couvrait le procès pour une chaîne concurrente et néanmoins amie — car nous aurons tous besoin d'amis si nous souhaitons survivre en prison —, certains policiers se sont menottés les uns aux autres dans le but de former une chaîne humaine visant à empêcher la fuite du public, mais également pour se conformer au verdict, eux aussi devant être mis sous écrou.
Si la peine exacte ne sera prononcée par le juge que demain dans la matinée, elle devrait, d'après plusieurs sources concordantes, être particulièrement lourde — on parle d'un minimum de dix ans de sûreté. Le parquet avait par ailleurs répété à plusieurs reprises durant le procès qu'il souhaitait faire de l'affaire Mebrecci un exemple visant à décourager de futurs criminels. À la vue du verdict, le moins qu’on puisse affirmer est qu’il a été entendu.
En attendant de savoir pour combien de temps nous resterons incarcérés (Mebrecci, le juge, moi et vous aussi, chers téléspectateurs), restent bien des questions. Un tel verdict est-il constitutionnel ? Si un appel doit avoir lieu, devrons-nous tous nous rendre au tribunal pour le déposer ? Et, surtout, quelle a été la motivation du juge pour rendre un verdict aussi peu conforme à la jurisprudence ?
Les réactions politiques, en tout cas, ont été nombreuses. Daphné Capucine-Demai, secrétaire générale du parti humaniste, vient de publier un message dans lequel, tout en rappelant l'hostilité de principe de son groupe politique à toute politique répressive ou carcérale, elle se félicite de ce verdict, qui selon elle « reconnaît enfin que le criminel n'est pas seul responsable de son acte et que toute la société dont il est issu porte une part de culpabilité. » Preuve du caractère inouï de cette soirée, son principal adversaire, George-Château Chafouin de Brouilly, président du parti Encens et traditions, se réjouit lui aussi de cette décision, qui, je cite, « en reconnaissant le caractère universel du péché originel et en châtiant tous les hommes et les femmes de ce pays, coupables par nature, renoue avec les fondements du christianisme que ce pays trop laïc a tendance à oublier. »
Gageons que la discussion ne fait que commencer et que nous aurons le temps de la poursuivre tous ensemble, au cours des années qui viennent, dans les couloirs de Fleury-Merogis.
Agar est s'est déchaîné cette semaine ; juste avant d'être enchaîné...
- Je savais bien que j'avais quelque chose à me reprocher !
- Je savais bien que j'avais quelque chose à vous reprocher !