Défaite du groupe terroriste Saaman Alekseev
◐ Édition déclinante : dernier quartier du 18 juin 2025
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Défaite du groupe terroriste Saaman Alekseev
C'est avec soulagement mais non sans effroi que nous avons appris la libération de Jean-Guillaume Le Porcher, otage français retenu par le groupe terroriste Saaman Alekseev. Soulagement, car Jean-Guillaume Le Porcher était retenu au Tchad depuis près de quatre ans. Effroi, car le récit de ses conditions de détention a terrifié jusqu'aux membres les plus aguerris de la communauté du renseignement.
« C'est bien simple : ils m'ont traité comme un animal », a déclaré Le Porcher aux journalistes venus l'accueillir, en compagnie du ministre des Affaires étrangères, à la descente de l'A400M qui le ramenait sur le territoire métropolitain. Durant sa presque demi-décennie de détention, les membres du groupe Saaman Alekseev l'ont en effet chaque jour nourri de croquettes « poulet bœuf équilibre vitalité » de marque Friskies accompagnées d'une gamelle de lait. Le soir, il n'était pas rare que certains membres éminents du mouvement terroriste le fassent monter sur leurs genoux et passent près d'une heure à lui gratter le dos. Conclusion terrible de cette escalade dans l'horreur, Jean-Guillaume Le Porcher passait depuis quelques mois ses nuits roulé en boule sur le lit de ses geôliers. C'est d'ailleurs tandis qu'il était promené par ses ravisseurs que le Service Action a pu exfiltrer notre compatriote parti déféquer derrière une dune.
« De tels traitements ne sont pas monnaie courante », nous rassure le Lieutenant-colonel Hopexe, qui a combattu de nombreux groupes terroristes en Afrique de l'ouest ainsi qu'au Moyen-Orient et participé à plusieurs libérations d'otages. « Le groupe Saaman Alekseev est très différent des autres groupuscules armés de la région, notamment en raison de la personnalité de son fondateur. »
Saaman Alekseev, fondateur du groupe qui porte son nom, n'a en effet rien d'un jihadiste. Né en 1980 dans les eaux internationales d'une mère fuyant l'Union soviétique et d'un père exilé par l'Arabie saoudite, le jeune Alekseev a fait ses classes auprès des nationalistes arabes, dont il aurait probablement rejoint la cause s'il ne souffrait pas d'un terrible handicap : en raison des circonstances très particulières de sa naissance, Alekseev a toujours été apatride. Une situation qui a été, pour le jeune Saaman, terrible source d'angoisse. « Il faut le comprendre, imaginez-vous être convaincu de la justesse d'idées ultranationalistes, prêt à mourir pour les défendre, sans savoir à quelle nation vous appartenez. »
Faute d'un territoire à défendre ou d'une idée très claire de là où il voulait en venir, Saaman Alekseev adopta une double stratégie. Du point de vue opérationnel, imiter les méthodes des autres organisations militantes. « Quand on ne sait pas trop ce qu'on fait, autant faire comme ceux qui ont l'air de savoir, ça donnera toujours l'impression d'avancer », écrira-t-il dans un manifeste resté célèbre par le nombre de ratures et de corrections dont il était constellé. Au niveau théorique, réfléchir à la forme que pourrait prendre un nationalisme sans nation.
C'est ainsi qu'il décida d'associer la méthode du détournement d'avions, chère aux mouvements pro-palestiniens des années 70, à un discours écologiste radical : faute d'une patrie pour laquelle se battre, sa cause serait celle de la Terre toute entière. Un choix qui lui valut d'être critiqué à l'intérieur du groupe — qui n'avait par ailleurs toujours pas mené la moindre action — et fut à l’origine de plusieurs scissions. Comment, demandaient ses détracteurs, prétendre défendre la planète tout en détournant des avions, moyen de transport extrêmement polluant ?
Au terme de plusieurs années de débats et de règlements de comptes internes qui firent des dizaines de morts, Saaman Alekseev décida d'abandonner son projet de détournement d'avions au profit d'une alternative plus écologique : le détournement de trains. Toutes les tentatives se révélèrent toutefois des échecs, Alekseev n'ayant pas, de ses propres mots, « réfléchi au fait que les trains sont sur des rails. » La seule prise de guerre du groupe fut la capture de Jean-Guillaume Le Porcher, cheminot SNCF en vacances au Tchad.
Sa libération suffira-t-elle à mettre un coup d'arrêt aux agissements du groupe ? On peut l'espérer. Tout comme on espère que le témoignage de l'ex-otage nous aidera à mieux comprendre les revendications de ce mouvement. En cette époque de loups solitaires, où la frontière entre terrorisme et troubles psychiatriques semble parfois ténue, l'étude du cas Alekseev sera riche d'enseignements.
Dans le contexte actuel j'étais pas sûr de rigoler, mais en fait dans le contexte actuel c'est bien drôle quand même.
Dans le contexte actuel uniquement bien évidemment.
Merci. J'ai beaucoup ri. Je ressens très fort cette envie de combattre sans savoir pourquoi. Je te laisse, je pars menacer un ostréiculteur.