Présentation de l’exposition Théophile Panneau
◐ Édition déclinante : dernier quartier du 24 octobre 2024
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Présentation de l’exposition Théophile Panneau
Le centre Jean Crampilh-Broucaret pour l’art contemporain marque une fois de plus les esprits avec la rétrospective qu’il consacre ces jours-ci à l’œuvre de Théophile Panneau, dont le travail, pourtant largement connu, n’a jamais été l’objet d’une telle reconnaissance de la part de l’institution muséale.
L’exposition, très dense et donnant à voir un grand nombre des œuvres de l’artiste, est organisée de manière chronologique, choix qui semble particulièrement judicieux quand on sait à quel point le travail de Panneau a toujours été le miroir de sa vie. Elle a également la sagesse de ne pas trop s’attarder sur ses œuvres de jeunesse, sans grand intérêt et trop écrasées par l’influence du surréalisme. Ainsi de I079, l’une de ses premières peintures, qui aurait aussi bien pu s’intituler « Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'un gant et d'un parapluie. »
Plus intéressants sont les tableaux qu’il réalisera lors de son arrivée à Paris et de sa rencontre avec le bouillonnement intellectuel de la capitale. Ainsi de M025, autoportrait qui donne à voir l’image que l’artiste se faisait de lui-même à cette époque : branché, moderne, convaincu d’appartenir à une génération qui va marquer l’histoire de l’art.
C’est également à cette période que Panneau rencontre Bernadette Voirie, jeune photographe et mannequin dont la grande beauté et la sensibilité à fleur de peau séduisent immédiatement l’artiste. Quelle scène émouvante que celle dépeinte dans M054, où Panneau figure sa rencontre avec cette âme hypersensible qui semble partir à la dérive.
Le couple devient rapidement la coqueluche du tout-Paris artistique et Panneau, dont les œuvres commencent à avoir une certaine réputation chez les galeristes d’avant-garde, enchaîne les expositions et commence à se rêver suivi par d’autres artistes, à la tête d’un courant, comme il le représentera de façon aussi drôle que métaphorique dans l’excellent M032.
Tous ces rêves de succès vont être brisés par la mort accidentelle de Bernadette, à seulement trente-et-un ans. Dévasté par le chagrin, l’artiste entre alors dans une période très sombre mais très prolifique, caractérisée par un style d’une rare violence et beaucoup plus figuratif. Comme on peut le voir dans W071, peint quelques jours seulement après le décès de sa compagne, ou encore dans W041, tableau d’une noirceur inouïe qui nous permet de ressentir ce que devait être, à l’époque, le désespoir de Panneau.
Malgré le soutien de ses amis artistes, Panneau s’enfonce dans une spirale dépressive de plus en plus profonde et se met à peindre des scènes où la présence des corps, dans toute leur repoussante matérialité, lui vaudra d’être comparé à Lucian Freud. L’un des thèmes récurrents de cette période, la présence de mains mutilées, atteste du dégoût du peintre pour sa propre création et de son désir d’abandonner. W120 et W214 en constituent de parfaits exemples.
Tous ceux qui ont fréquenté Panneau à cette époque le disent : si la politique ne l’avait pas sauvé, il aurait probablement mis fin à ses jours. Panneau, prenant conscience par diverses lectures de la catastrophe environnementale en cours, va en effet peu à peu trouver dans l’engagement écologiste une raison de vivre. Son goût pour les scènes brutales va cesser de se porter sur des corps mutilés et plutôt représenter la violence que les hommes infligent aux écosystèmes. Au cours des années qui suivent, son œuvre va se faire de plus en plus politique, comme le montre très bien le passage de W072 à W169.
Débute ainsi la dernière période de la vie de Panneau, dite période « rouge », durant laquelle l’artiste se fera le héraut de toutes les causes. Le combat contre les énergies fossiles (P226), la volonté de se défaire de l’aliénation capitaliste (P165) sont pour Panneau autant d’aspects d’une même aspiration à la libération collective.
Il y aurait bien davantage à dire d’un artiste au répertoire aussi vaste, dont les œuvres vont de l’érotique (M152) à l’iconographie religieuse (E011), mais nous ne voudrions pas priver le lecteur du plaisir de découvrir toutes les surprises qu’offre l’exposition.
Contentons-nous donc de vous souhaiter une bonne visite et de saluer la mémoire d’un artiste si influent, au trait si immédiatement reconnaissable, qu’il n’est pas rare d’entendre dans la rue un petit enfant, à la vue d’une ses œuvres, s’exclamer « regardez papa maman, le Panneau ! »
Notez bien qu'on ne dit pas "je suis tombé dans le panneau" mais plutôt, "j'admire une oeuvre d'avant-garde".
Je dois avouer que ses compositions musicales, à travers l'œuvre M83 (que tu as bien fait d'oublier de mentionner), m'ont plus refroidi qu'autre chose (et surtout fait mal aux oreilles). Mais je dois avouer que ton article m'a donné envie de redonner une chance à cet artiste néanmoins.